Tempête dans un verre d'eau - Roll-Play
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Tempête dans un verre d'eau

Ce soir, alors qu'une sombre merde défile sur le petit écran et que je ne sais pas trop quoi faire, j'ai envie d'écrire un petit billet d'humeur... Parce que mon humeur, en ce moment, elle est un peu malmenée.

Tout commence avec un appel à témoins, pour une émission quotidienne de France 2 animée par une Sophie Davant au comble de la compassion télévisuelle dont le ton oscille entre l'appel aux larmes et l'ironie à peine voilée... Bref, rien de bien transcendant. Sauf que...

L'appel à témoins parle de fuite de la réalité et, dans le même temps, de jeux de rôles. Fouilla, il n'en fallait pas plus pour soulever l'ire des rôlistes sur la toile qui s'insurgent, insultent pour certains, ironisent pour d'autres... se fendent, comme la ffjdr, d'un courrier à la rédaction pour leur expliquer que JdR et fuite de la réalité ne sont pas concomitents, que leur appel à témoin dit de manière implicite que le JdR pourrait mener à la drogue et à l'alcoolisme... Rage, coups de poings virtuels sur le bureau windows, la rolistosphère internet est en émoi... Et pourtant...

En réalité, c'est cela qui m'exaspère : tout ce bruit, pour rien.

Alors, pourquoi tant de sensibilité ? Il faut comprendre les plus en colère ou les plus virulents : ils ont peur de revivre un second "Bas les Masques", un second Carpentras, et une nouvelles chasse aux sorcières.

On le sait, les médias et les associations bien-pensantes ont besoin de boucs émissaires pour pouvoir taper dessus. C'est un fait. Et puis ces affaires, vers le milieu des années 90, avaient provoqué des dégâts : fermetures de clubs pas des mairies apeurées, besoin d'obtenir des autorisations pour ouvrir des clubs en lycée, etc... Oui, les plus anciens d'entre nous sont traumatisés... Mais tout ce bruit pour un appel à témoin ?

Bon alors, que l'on soit clairs, je ne suis pas un fan inconditionnel de Toute une Histoire. Je ne pense même pas que l'émission sera intéressante. Mais tout ce bruit pour ça (oui, encore) ?

Les extrapolations vont bon train. D'un côté certains pensent que ça sera un documentaire à charge sur le JdR (sans prendre en compte qu'il s'agit d'une émission de témoignages, et non d'un documentaire), d'autres que l'on retiendra de tout cela que les rôlistes sont des drogués, des addicts, des alcooliques, des cas graves. D'autres ne veulent juste pas que l'on parle de leur loisir de manière péjorative ou que l'on implique que certains de ses pratiquants peuvent, en effet, fuir la réalité. Beaucoup se sentent étrangement attaqués par cet appel à témoignage, un peu comme si en demandant le témoignage de personnes avec un profil précis mais pratiquant leur activité, on parlait d'eux. Comme si, d'une certaine manière, "rôliste" était tellement constitutif de ce qu'ils sont que cela les touche intimement.

Seulement voilà, il n'y a pas de raisons de s'exciter. Aucune.

Avant tout, il ne s'agit que d'un appel à témoin. Cela parait peut-être minimiser la chose, mais non, je le redis : ça n'est qu'un appel à témoin. Il ne s'agit de récolter les témoignages dans un but précis : servir un sujet précis. Le sujet de l'émission n'est pas le Jeu de Rôles, mais le besoin de se créer une bulle pour s'évader de la réalité. Un coup d'oeil à quelques émissions de Sophie Davant nous fait en comprendre la structure : une série de témoignages allant du plus léger (là, le gars qui aime jouer aux jeux vidéos ou aux JdR parce que ça le sort de son quotidien) au plus grave (la personne qui n'a trouvé que l'alcool et la drogue pour oublier ses problèmes). Oui, si rôliste il y a dans cette émission (et ça n'est pas gagné), il témoignera avant ces personnes là. D'un point de vue purement narratif (parce que oui, les émissions télévisuelles aussi ont une narration) il servira de point d'ancrage comme pour être la version "légère" du besoin de s'évader du quotidien. A côté de lui, se trouveront des histoires plus lourdes, aux conséquences plus terribles sur leurs vies.

Alors, va-t-on parler en bien du JdR ? Non. En fait, il y a fort à parier que l'émission n'en parlera presque pas. Elle se concentrera sur le témoin, sa vie, le pourquoi de tout ça, et surtout l'impact que cela a ou a eu. Mais contrairement à d'autres émissions (comme confessions intimes, tellement vrai, ou autres), il s'agit en général, dans Toute une Hisotire, de donner du positif. Cette émission qui passe en début d'après-midi se concentre toujours sur l'aspect "je le vis bien" ou "j'en suis sorti". L'un ou l'autre. Il ne s'agit pas de montrer les témoins comme des personnes faibles, mais comme des humains avec leurs propres manières de voir le monde, qu'on y adhère ou non. Avec parfois une compassion virant à l'ironie parfois, mais rien de bien méchant.

En bref, beaucoup de bruit pour pas grand chose.

Ces réactions, souvent épidermiques, nourries par la peur du retour d'une ère dont on dit qu'elle a fait s'écrouler le monde du JdR pour le laisser dans l'état dans lequel on le connaît aujourd'hui, ne donnent pas l'image du JdR que l'on pourrait attendre. Au lieu de nous montrer comme des personnes normales, acceptant pleinement notre loisir, elles nous montrent comme des personnes sur la défensive. Et le problème quand les gens sont à ce point sur la défensive qu'ils sur-réagissent dès le moindre début de semblant de menace, c'est qu'ils donnent l'impression qu'ils ont en réalité quelque chose à cacher. C'est bien là que le bât blesse.

Tout d'abord, on ne peut juger d'une émission aux témoins qu'elle recherche. Une émission, comme toute production télévisuelle, a une ligne éditoriale claire. Cette ligne éditoriale ne peut être jugée que de deux manières :

1 - la connaitre et savoir ce qu'elle va être pour en avoir parlé avec la rédaction ou pour l'avoir vue

2 - avoir sous ses yeux le conducteur de l'émission et les questions que la présentatrice va poser (permettant de voir les biais qu'elle compte employer pour mener son émission)

Nous n'avons ni l'un, ni l'autre.

Le second problème est qu'en plus de cela, l'émission ne traitera pas du JdR per se. Au pire, on trouvera un déroulement qui se rapprochera de cela :

- ils vont commencer par Gertrude qui a viré mytho de manière légère parce qu'elle aimait pas sa vie, et André qui joue à WoW toute la journée dès qu'il ne bosse pas, mais bon il aime pas les gens André. Bon et la psy va lui poser quelques questions genre "mais vous ne pensez pas que vous compensez un manque?" et quelques conseils à la con qui tiennent de la psychologie de comptoir, parce qu'elle va pas faire une analyse, pour ça faudra venir au cabinet...
- ils vont poursuivre avec Liliane qui a eu de terribles traumas, et est tombé dans l'alcoolisme et la dépendance. Elle, bon, même si elle joue pas à WoW, elle comprend ce besoin de s'évader comme ça... et puis bon au moins André, il se détruit pas. Mais elle a fait une thérapie.
- et puis Germaine va témoigner. Elle c'est sa fille qui est tombé dans la drogue, mais heureusement maintenant elle va mieux et elle élève des chatons dans le Larzac...

Bref, au final, le rôliste passera au pire pour un grand ado... ou un gars atteint du syndrome de Peter Pan. Ou juste un gars qui aime bien jouer. Est-ce si dommageable ? Cela veut-il dire que tous les rôlistes sont comme ça ?

En attendant, plus on sur-réagira, plus on spammera les attachées de presses, plus la FFJDR nous sortira des communiqués sur la défensive aussi mal faits qu'à côté de la plaque... plus l'on passera pour des gens qui ont en réalité un problème. Mieux vaut prévenir que guérir, disent certains. Mais la communication préventive est aussi un métier. Communiquer en remuant dans tous les sens pour dire "c'est pas vrai z'êtes des menteurs, sale télé poubelle" n'amènera que le discrédit, au mieux... et au pire l'idée que finalement, on a peut-être des trucs à se reprocher.

En bref, une tempête dans un verre d'eau, et much ado about nothing boys. Le JdR survivra, et les médias ont bien d'autres trucs sur lesquels taper. D'autant qu'on tape sur les loisir de jeunes, et que le JdR, quoiqu'on en dise, est aujourd'hui un loisir majoritairement pratiqué par des trentenaires, des quadragénaires, voire plus. On s'en fout un peu de ceux-là... Les jeunes, le danger qui guette nos enfants, ça, ça fait peur ! Ça, c'est vendeur ! Et comme le savent tous les "Vieux Cons Indécrottables" du JdR (dont je fais partie), y'a plus d'jeunes qui viennent ma bonne micheline, bientôt le JdR se jouera plus qu'dans les maisons d'retraites ! (allez, me dites pas que c'est pas le discours majoritaire de tous les gens de notre génération, vils gredins ! Vous seriez de mauvaise foi ! *wink wink*)

NB : Si je pense pour le moment que les réactions sont exagérées, cela ne veut pas dire que je ne m'intéresserai pas à l'émission et à son traitement. Et peut-être même que je me fendrai d'un billet d'humeur approprié... Mais pas avant, pas sans savoir ce que cette émission, par une personne qui, dans une autre émission qu'elle présentait avait laisser passer une chronique fort bienveillante (même si un peu à côté de la plaque) sur le GN. Preuve en est que l'animatrice, qui est tout de même au contrôle de ses émissions, a une vision moins biaisée que ce que l'on laisse entendre dans ce fracas de colère.

NB2 : J'ai mis mon casque, je suis prêt.
Tag(s) : #Billet d'humeur